Bien que les Organismes de logement social (OLS) aient mené, depuis vingt ans, une politique volontariste, intégrant dans leur stratégie de développement la rénovation et la réhabilitation du stock et la production de logement sobre en carbone – remplissant, ainsi un double objectif de préservation des ressources naturelles et du pouvoir d’achat de leurs locataires – il n’en demeure pas moins que les objectifs ont changé de nature. La sobriété semble disqualifiée au profit d’un horizon plus ambitieux ; la décarbonation de l’économie. Ce changement d’échelle n’est pas seulement un impératif porté par un objectif environnemental, bien qu’il se suffise à lui-même, il est également d’ordre économique.
Les Organismes de logement social, à l’heure de la taxonomie verte1, figurent au rang des acteurs sur lesquels, à côté de la puissance publique, pèsent la mise en œuvre de la décarbonation de l’économie et plus particulièrement celui du secteur de l’immobilier. Si cette ambition ne souffre d’aucune contestation, quoi qu’il en soit ces derniers doivent : 1) concilier des objectifs quantitatifs ambitieux sans contrevenir aux objectifs environnementaux afin de répondre à la demande des ménages notamment dans les zones tendues ; 2) sans s’éloigner des principes qui les gouvernent ; 3) sans négliger la rénovation du parc existant.
L’ensemble forme un tout qui apparaît comme une situation inextricable.
Nonobstant un stock de logements sociaux qui a progressé – de 4,6 millions2 en 2013 à 5,4 millions3 en 2020 – les OLS n’ont pas réussi à résorber la demande. 2,4 millions4 de personnes attendent un logement social dont 700 000 résidants, le taux de rotation du parc poursuit une tendance baissière– 10,3% en 2011 contre moins de 8% aujourd’hui.
C’est la raison pour laquelle, le caractère progressif de cet engorgement, sa dimension multifactorielle mériteraient que nous réfléchissions à des solutions qui répondent à ce double impératif – décarbonation et satisfaction des besoins qui constituent, d’ores et déjà, la pierre angulaire des projections de développement des bailleurs sociaux.
Si la surface financière de l’Etat s’est réduite, que les collectivités locales n’ont plus beaucoup de marge de manœuvre, leurs capacités à créer pour ce type d’opérations un effet de levier apparait, malgré tout, déterminant. A fortiori, dans un contexte économique dégradé. En effet, les évolutions des conditions financières et du coût de l’énergie modifient durablement les modes de production.
L’affaiblissement de la production en VEFA dont les promoteurs en sont les seuls garants obligent les OLS à repenser, à tout le moins, imaginer des modes de production alternatifs, sauf à considérer la réhabilitation comme le principal mode de d’investissement à privilégier. Sans doute, des nouveaux moyens de productions partenariaux entre OLS et promoteurs tournés vers le parc existant sont à inventer. Il n’en reste pas moins qu’à ce jour, il semblerait qu’un nombre conséquent d’opérations identifiées AA soient abandonnées pour des raisons, entre autres, d’équilibre financier impossible.
Par conséquent, même si ça n’est pas l’unique solution à envisager, une orientation plus généreuse de l’argent public consacrée à la production de logement vers ses actifs réduirait le taux de chute d’opérations restées au stade de l’analyse et, par là même, rééquilibrerait la part d’AA dans le total de la production nouvelle.
Dès lors, la question qui se pose, aux bailleurs sociaux est celle de savoir si, d’une part, le développement de la Maitrise d’ouvrage Interne (MOI) ou son renforcement pour ceux déjà dotés de ces compétences, sera suffisante pour augmenter la production des opérations d’Acquisition-Amélioration et, d’autre part, si se tourner vers les opérateurs privés permettra de répondre plus efficacement à une double problématique, volume des opérations identifiées et équilibre financier. Double problématique qui se pose dans les mêmes termes aux opérateurs privés.
Sans doute que la complémentarité entre les qualités des opérateurs privés accompagnés de leurs dispositifs fiscaux et l’expérience, le savoir-faire des Organismes de logements sociaux en Acquisition-Amélioration seront déterminantes. En ce sens que, les OLS qui sauront sortir du cadre actuel de la VEFA, pour inventer un modèle plus ambitieux que celui qui prédomine (vendeur/acquéreur) avec les opérateurs privés pourront se positionner plus rapidement sur un marché qui est à l’heure actuelle anecdotique, répondre aux objectifs du ZAN et satisfaire aux enjeux de décarbonation de notre économie et de taxonomie verte pour l’ensemble des opérateurs.
Propositions :
1) Co-promotion entre OLS et promoteurs – D’une part, certains promoteurs ne possèdent pas les compétences en interne pour envisager répondre à des projets qui s’exécutent dans le cadre d’opérations complexes. D’autre part, pour passer les marchés travaux, les OLS sont contraints par le Code des marchés publics. La co-promotion pourrait répondre à cette double difficulté. Les moyens et les compétences – l’expertise technique de l’OLS pour répondre aux contraintes techniques augmentée de l’approche des promoteurs et des compétences de commercialisation – seraient définis et encadrés dans un contrat de co-promotion.
– Le promoteur dilue son risque ;
– La marge pourrait être partagée et/ou des droits de réservation négociés ;
– Portage foncier et relogement moyennant la facturation d’honoraires et/ou des droits de réservation dans l’opération.
2) L’Acquisition Amélioration VEFA Inversée (AAVI) – Equilibrer les opérations – Dans le parc ancien, l’obsolescence et la dégradation du bâti favorisent l’abandon des opérations envisagées en Acquisition-Amélioration. Lorsque le risque est mal évalué, les aléas du chantier entrainent des dérapages financiers et déséquilibrent les opérations sans que le levier de la rentabilité (augmentation du loyer) puisse l’absorber. Par conséquent, le mariage de la VEFA inversée et de l’AA pourrait équilibrer des opérations, à tout le moins, les rendre possibles. En ce sens que la Vente en l’état futur d’achèvement inversée permet aux bailleurs sociaux de vendre des logements libres – commercialisés en bloc ou au détail – dans la limite de 30% du programme composé majoritairement de logements sociaux et sous réserve de l’accord du préfet. A l’instar de la VEFA classique, cela permettrait de financer une partie des travaux grâce aux appels fonds, minorer la mobilisation de fonds propres et l’endettement.
3) Grâce à un accord cadre avec l’ensemble des Régions, l’Etat pourrait généraliser la politique volontariste de la Préfecture des Hauts-de-France5 en AA et fixer des objectifs de production avec les acteurs territoriaux. De fait, la somme des objectifs territoriaux favoriserait l’émergence d’un objectif global et partagé par tous. En sus, les opérations en AA pourront légitimement entrer dans le champ d’application des deux seuls critères sur six effectifs à date – l’atténuation du changement climatique et l’adaptation au changement climatique – et être intégrées dans la taxonomie verte. Cette activité ouvrira le droit aux organismes HLM de mobiliser des capitaux et investissements verts et comptera dans le Diagnostic de performance extra financière (DPEF) des OLS.
1 La taxonomie verte de l’UE est un système de classification des activités économiques permettant d’identifier celles qui sont durables sur le plan environnemental, qui n’aggravent pas le changement climatique afin d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050 2 Rapport de la Cour des comptes – « Restaurer la cohérence du logement en l’adaptant aux nouveaux défis » – novembre 2021 3 « Le parc locatif social au 1er janvier 2019 » CGDD – 2019 4 Selon la cour des comptes ses chiffres seraient surévaluées de 20% – Rapport Cour des comptes –« Restaurer la cohérence du logement en l’adaptant aux nouveaux défis » – novembre 2021