Une loi pour développer l’offre de logements abordables

Le gouvernement maintient et poursuit sa politique logement en favorisant le « Choc de l’offre ». C’est le cap fixé par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale et traduit par le projet de loi pour développer l’offre de logements abordables.

Pas de développement du logement abordable non plus sans les maires : ces derniers sont recentrés au cœur du peuplement de leur territoire afin de contribuer au développement de l’offre de logements.

Le texte débute son parcours au sein du Parlement et sera très probablement amendé. Revenons cependant, quelques instants, sur certains articles ayant attiré notre attention. 

Le logement intermédiaire (Article 1er)

Le logement locatif intermédiaire institutionnel correspond à une offre abordable développée par des personnes morales dans les zones tendues, soutenue par un dispositif fiscal créé par l’article 73 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014. Destinés à la location à usage de résidence principale aux ménages de la classe moyenne dont les ressources n’excèdent pas les plafonds du dispositif « Pinel », les logements locatifs intermédiaires sont proposés à des loyers ne dépassant pas les plafonds applicables pour ce même dispositif, soit un niveau intermédiaire entre le parc social et l’offre libre.

L’article 21 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a supprimé l’agrément préalable pour ces logements et l’a remplacé par une obligation de déclaration des opérations de logements locatifs intermédiaires applicable aux propriétaires ou gestionnaires, permettant de maintenir un suivi de la production et de contrôler le respect des conditions d’obtention de l’avantage fiscal. Le segment intermédiaire a vocation à se développer essentiellement dans les zones les plus tendues, notamment au sein des métropoles sur le territoire desquelles les classes moyennes rencontrent des difficultés d’accès au logement. Entre 2014 et fin 2022, 89 351 logements locatifs intermédiaires ont été agréés ou déclarés, dont 31 274 sur le territoire de communes déficitaires SRU.

Le gouvernement entend dynamiser la production de logements intermédiaires en incluant cette catégorie de logements dans les objectifs de production de la loi SRU en arguant d’une meilleure mixité. Après la recherche d’une mixité sociale, orientée durant de nombreuses années par le logement social et très social, la notion de mixité du logement doit désormais s’étendre par le logement intermédiaire.

Concrètement les communes actuellement déficitaires en logements sociaux et qui comptent plus de 15% de logements sociaux (ou 10% si leur objectif est de 20%) et qui ont signé un contrat de mixité sociale avec l’Etat pourront atteindre une partie de leurs objectifs par la production de logements intermédiaires.  On estime 650 communes concernées par cette mesure.

Les bailleurs sociaux sont plafonnés aujourd’hui à détenir 10% de logements intermédiaires de leur parc total. Plusieurs bailleurs ont déjà atteint ce plafond. Ils pourront voir ce plafond passer désormais à 20%, afin de contribuer à l’augmentation de la production. Ce sont 4000 logements intermédiaires supplémentaires par an qui sont ainsi estimé (Article 7 du projet de loi).

Une mesure facilitera de nouvelles recettes pour intensifier cette croissance de la production par la vente en bloc aux sociétés de vente HLM. Bonne nouvelle pour l’Opérateur National de Vente d’Action Logement qui pourra désormais acheter du logement locatif intermédiaire existant, permettant ainsi aux bailleurs sociaux de réinvestir les fonds dans de nouveaux projets (Article 7 du projet de loi).

La création de filiale des organismes HLM dédiées au logement intermédiaire est également facilitée.

Toutes ces nouvelles mesures sont complémentaires à celles précédemment prises en faveur du logement intermédiaire déjà engagées :

  • La mise en place par le groupe Caisse des dépôts et consignations et le groupe Action Logement, à la demande du Gouvernement, de plans de rachat auprès de promoteurs privés de près de 50 000 logements engagés dès le printemps 2023 en vue de créer une large part de logements locatifs intermédiaires (qui représentent les deux tiers de ce plan de rachat), avec le soutien d’une offre de prêts exceptionnelle de la Banque des Territoires, autorisée par le ministère de l’économie et des finances ;
  • L’augmentation de capital de 250 M€ au sein de la Société pour le logement intermédiaire, un fonds d’investissement de l’Etat dans le logement intermédiaire, décidée par le Gouvernement au second semestre 2023, en vue de construire 4 000 logements intermédiaires supplémentaires ;
  •  L’ouverture, par la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, du régime du logement locatif intermédiaire à de nouveaux territoires, à l’acquisition-amélioration, et aux résidences gérées à destination des étudiants, des jeunes actifs ou des séniors ;
  • L’engagement de 14 assureurs, en mars 2024, à apporter plus de 400 M€ de fonds propres en faveur du financement du secteur locatif intermédiaire, qui s’ajoute à l’engagement de la Caisse des Dépôts, à la fin de l’année 2023, à apporter 250 M€ dans un nouveau fonds dédié ;
  •  La signature d’un pacte pour le logement intermédiaire entre l’Etat, les opérateurs du logement intermédiaire et les investisseurs, en mars 2024, contenant les engagements de chacun en vue de permettre une meilleure accessibilité au logement intermédiaire.

Application Hexagone et Outre-mer :

La mesure s’applique à l’ensemble des communes déficitaires au sens des articles L. 302-5 et suivants du code de la construction et de l’habitation.

Le dispositif SRU s’applique de plein droit en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane et à La Réunion. Il s’applique également de plein droit à Mayotte, à l’exception du prélèvement annuel supporté par les communes déficitaires. Ces territoires sont éligibles à la réalisation de logements locatifs intermédiaires dans les mêmes conditions qu’en métropole.

Il ne s’applique ni dans les collectivités d’outre-mer (Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna) ni en Nouvelle-Calédonie.

Le pouvoir renforcé des maires pour les primo-attributions de logements sociaux (Article 2)

Les maires ont une responsabilité déterminante en matière de développement du logement social puisqu’ils accordent le permis de construire, ils peuvent apporter un terrain ou un financement et garantir des emprunts. De plus, ils assument le portage politique des opérations de constructions de logements sociaux devant leurs administrés.

Enfin, ce sont les communes qui sont assujetties au respect des obligations en matière d’offre de logement social résultant de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation (article 55 de la loi SRU).

Toutefois, de nombreux édiles soulignent qu’ils ne pèsent pas suffisamment dans les attributions de logements sociaux à l’échelle de l’ensemble d’une résidence ou de leur commune. Nous nous devons tout de même de rappeler que plusieurs dispositions actuelles leur donnent un rôle non négligeable en matière d’attribution :

  • Voix prépondérante en commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements en cas d’égalité des voix ;
  • 20% des réservations contre une garantie d’emprunts ;
  • Attribution revenant au maire en cas d’échec d’un logement à un candidat présenté par un réservataire dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville …).

L’objectif du gouvernement est de renforcer de façon déterminante les pouvoirs des maires lors des toutes premières attributions des nouveaux logements sociaux. En effet, cette phase marque durablement le peuplement d’un programme neuf et peut être préparées finement en amont, plusieurs mois avant la livraison des logements, sans contrainte de vacance du parc de logements pour le bailleur social. Cet article permettra également de confier aux maires la présidence de la CALEOL.

Sur les mises en location initiales, il lui sera également accordé un droit de véto sur les premières attributions et il pourra classer les différents candidats présentés par les réservataires sur un même logement à attribuer. Ces décisions devront être motivées et notifiées aux réservataires concernés.

Pour les premières attributions en phase de mise en location initiale des logements, l’Etat pourra également confier à la commune son contingent, hormis pour les agents civils et militaires de l’Etat, soit 25% des logements à attribuer. Le maire pourra ainsi disposer de droits de réservation détenus directement ou par délégation de l’Etat à hauteur de 45% du programme

Le maire garde ainsi la main sur la maîtrise des équilibres de peuplement sur son territoire.

Il se trouve également renforcer dans les échanges qu’il a tenu et tiendra à ses habitants en expliquant l’enjeu de ces opérations répondant aux besoins en logement social du territoire.

Attention, ses pouvoirs spécifiques aux maires en matière de primo-attribution des logements sociaux, ne seront pas ouverts aux maires des communes qui ne respectent pas leurs obligations de production de logements sociaux au titre de la loi SRU et font l’objet d’un arrêté de carence.

Application Hexagone et Outre-mer :

Les dispositions sont applicables dans l’Hexagone ainsi qu’en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à Mayotte et à la Réunion. En revanche, elles ne sont pas applicables dans les collectivités d’outre-mer qui sont compétentes en matière de logement.

Généraliser le permis d’aménager multisites (Article 6)

Le permis d’aménager multisites est un dispositif introduit à titre expérimental dans les opérations de revitalisation du territoire (ORT), par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement de l’aménagement et du numérique et pour une durée de 5 ans.

Le permis d’aménager multisites déroge au principe de contiguïté des parcelles sur lesquelles doivent en principe se trouver les projets soumis à permis d’aménager. Cette mesure expérimentale permettait ainsi de déposer un permis d’aménager portant sur au moins deux parcelles en discontinuité, à la condition que l’opération d’aménagement garantisse l’unité architecturale et paysagère des sites concernés.

Suite à cette expérimentation, la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale a pérennisé le permis « multisites » dans le cadre des opérations de revitalisation du territoire (ORT) et l’a étendu aux projets partenariaux d’aménagement (PPA). Ce dispositif est depuis codifié, pour les PPA, à l’article L. 312-2-1 du code l’urbanisme, et pour les ORT, à l’article L. 303-2 du code de la construction et de l’habitation.

Aujourd’hui, les communes faisant l’objet d’une ORT font état de 25 permis d’aménager qui ont été déposés sur ces territoires attestant de la pertinence de cet outil et de son appropriation progressive par les collectivités locales concernées.

La principale faculté offerte par ce dispositif est la rationalisation de multiples procédures d’aménagement en une seule, aux conditions :

  • Qu’il s’agisse d’un demandeur unique pour l’ensemble des projets inclus dans le permis d’aménager ;
  • Que ces projets constituent un ensemble unique et cohérent ;
  • Que ces projets garantissent une unité architecturale et paysagère des sites concernés.

Cette procédure répond pleinement aux enjeux d’une opération d’aménagement en transformation ou en renouvellement urbain menée sur un tissus urbain existant qui comprend plusieurs voire beaucoup de parcelles dont seule une partie est concernée par la mutation urbaine, architecturale et paysagère portée dans le cadre du projet d’aménagement.

Le permis d’aménager multisites se présente aujourd’hui comme un levier puissant pour composer avec le bâti existant et maitriser l’artificialisation des sols. Il permet l’appréhension globale d’un projet d’aménagement ou de réaménagement afin de concevoir des opérations d’ensemble via un véhicule juridique unique.

Sa généralisation facilitera la réalisation d’opérations complexes, en permettant aux porteurs de projet d’équilibrer, notamment d’un point de vue financier, leurs opérations entre des terrains différents non contiguës.

Le dispositif est généralisé, y compris en dehors des PPA et des ORT, du permis d’aménager multisites. Cette possibilité est soumise à plusieurs conditions cumulatives.

Application Hexagone et Outre-mer :

Les dispositions sont applicables dans l’Hexagone ainsi qu’en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à Mayotte et à la Réunion. En revanche, elles ne sont pas applicables dans les collectivités d’outre-mer qui sont compétentes en matière de logement.

Diversifier les ressources des bailleurs (Article 9)

Les SCCV Promoteurs-Bailleurs sociaux

La loi ALUR du 25 mars 2014 a permis aux bailleurs sociaux et promoteurs privés de se rapprocher dans le cadre d’une structure commune afin de réaliser des opérations immobilières en co-promotion mêlant logements en accession libre et logements sociaux. Ce dispositif expérimental, d’une durée limitée de six ans, permettait aux organismes HLM de constituer des Sociétés civiles de construction vente (SCCV) avec des promoteurs privés. Depuis, ce dispositif a été pérennisé par la loi ELAN du 23 novembre 2018.

Alors que les possibilités de partenariats entre les bailleurs sociaux et des partenaires publics ou privés étaient limitées par le Code de la construction et de l’habitation (CCH), le législateur a souhaité « favoriser la construction de logements sociaux dans des programmes privés qui se verront ainsi instiller une mixité sociale », en offrant la possibilité aux OPH, SA HLM, et sociétés coopératives, en vertu respectivement des articles L. 421-1, L. 422-2 et L. 422-3 du CCH, « d’acquérir dans le cadre de l’article L. 261-1, à due concurrence de leurs apports, des logements mentionnés à l’article L. 411-2 auprès d’une société civile immobilière dans laquelle elles détiennent des parts et dont l’unique objet est la construction d’immeubles d’habitation ou à usage professionnel et d’habitation en vue de leur vente, à la condition que cette société réalise au moins 25 % des logements mentionnés à l’article L. 411-2 et soit constituée pour une durée n’excédant pas dix ans ».

Les conditions de constitution de ces sociétés sont les suivantes :

  • Acquisition en vente en état futur d’achèvement (VEFA) de logements sociaux auprès de la SCCV par le bailleur social à due concurrence de ses apports ;
  • Réalisation d’au moins 25% de logements sociaux par la SCCV, en prenant en compte le nombre de logements, et non pas la surface ;
  • Possibilité de réaliser des logements et de l’immobilier professionnel, mais impossibilité de réaliser de l’immobilier commercial ;
  • Impossibilité, pour le bailleur social, de réaliser des avances en compte courant à la SCCV. Cette impossibilité est contradictoire avec les principes généraux des SCCV qui prévoient que chaque associé participe aux besoins en financement de la société à due proportion du capital qu’il détient au sein de la société, cette participation prenant en général la forme d’avances en comptes courants d’associés.

Il est donc nécessaire que les bailleurs sociaux puissent consentir des avances en compte courant à ces sociétés pour leur permettre de réaliser leur objet social. Toutefois, ils devront réguler les avances consenties en fonction du bénéfice attendu de la société de leur part, et des risques d’exploitation anticipables.

Application Hexagone et Outre-mer :

Les dispositions sont applicables dans l’Hexagone ainsi qu’en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à Mayotte et à la Réunion. En revanche, elles ne sont pas applicables dans les collectivités d’outre-mer qui sont compétentes en matière de logement.

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